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Autorisation rétroactive des régimes particuliers : application dans le temps du CDU

Transport - Douane
22/10/2021
Le § 2 de l’article 211 du Code des douanes de l’Union ne s’applique pas à une demande de renouvellement d’une autorisation avec effet rétroactif déposée avant le 1er mai 2016, date à laquelle cet article est devenu applicable, même si la décision statuant sur cette demande a été adoptée après cette date, selon un arrêt de la CJUE du 21 octobre 2021 rendu à propos de destination particulière.
Avant le 1er mai 2016, un opérateur a demandé une autorisation du régime de la destination particulière (la DP qui permet la mise en libre pratique de marchandises en exonération totale ou partielle de droits en raison de leur utilisation spécifique) assortie d’un effet rétroactif ainsi que le permettait le Code des douanes communautaire (CDC) dans certaines situations et sous certaines conditions. Une réponse de la Douane étant arrivée après le 1er mai 2016, l’opérateur prétend bénéficier de l’application des dispositions relatives aux autorisations des régimes particuliers du § 2 de l’article 211 du Code des douanes de l’Union (entré en application à cette date-ci). La Douane refusant partiellement, les recours aboutissent à une question préjudicielle posée à la CJUE : ce § 2 de l’article 211 du CDU (reproduit ci-dessous) doit-il être interprété en ce sens qu’il s’applique à une demande de renouvellement d’une autorisation avec effet rétroactif déposée avant le 1er mai 2016, date à laquelle cet article est devenu applicable, si la décision statuant sur cette demande a été adoptée après cette date ?
 
Rappel des principes d’application dans le temps d’une règle nouvelle
 
S’agissant d’une question d’application dans le temps de nouvelles règles, la Cour rappelle la distinction entre les « règles de procédure » ou les « règles de fond » : « Les premières sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur, à la différence des secondes, qui sont normalement interprétées comme s’appliquant aux effets futurs des situations nées sous l’empire de la loi ancienne ainsi qu’aux situations juridiques nouvelles, mais non pas à des situations acquises antérieurement à l’entrée en vigueur de ces règles, sauf dans la mesure où il ressort clairement des termes, de la finalité ou de l’économie desdites règles qu’un tel effet doit leur être attribué ».
 
Application classique des principes
 
Les dispositions en question (CDU, art. 211, § 2, a) à h)), énumèrent « de façon exhaustive » les conditions de délivrance d’une autorisation avec effet rétroactif requise notamment pour le régime de la DP (notons que d’autres régimes particuliers peuvent aussi être concernés). Et ces conditions « sont soit entièrement, soit principalement, des conditions de fond pour la délivrance d’une autorisation avec effet rétroactif », puisqu’elles sont déterminantes pour l’existence de la dette douanière relative aux marchandises en cause. Elles sont donc des règles de fond nouvelles qui ne peuvent être appliquées aux situations juridiques nées et acquises sous l’empire de la réglementation antérieure, sauf s’il ressort clairement de leurs termes, finalité ou économie qu’elles doivent s’appliquer immédiatement à de telles situations. Or, ce n’est pas le cas puisque le § 2 de l’article 288 du CDU ne rend les dispositions de l’article 211 applicables qu’au 1er mai 2016, même si le CDU, en vertu de son article 287, est entré en vigueur le 30 octobre 2013. Autrement dit, l’article 211 du CDU ne s’applique pas rétroactivement à des faits ayant donné naissance à une dette douanière, produits avant le 1er mai 2016.
 
Enfin, le fait que la procédure administrative relative à la demande a été clôturée par une décision du 21 mars 2019 rejetant la demande de renouvellement de l’autorisation avec effet rétroactif, décision qui a donc été adoptée à une date à laquelle l’article 211 du CDU était déjà applicable, est sans incidence sur une situation juridique née et acquise sous l’empire du CDC.
 
Pour mémoire, les dispositions concernées de l’article 211 (§ 2) précité sont les suivantes :
« 2. Les autorités douanières peuvent accorder une autorisation avec effet rétroactif lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :
a) il existe un besoin économique démontré ;
b) la demande n'est pas liée à une tentative de manœuvre ;
c) le demandeur a démontré sur la base de la comptabilité ou d'écritures que :
i) toutes les exigences du régime sont respectées ;
ii) le cas échéant, les marchandises peuvent être identifiées pour la période concernée;
iii) les comptes et écritures précités permettent de vérifier le régime ;
d) toutes les formalités nécessaires pour régulariser la situation des marchandises peuvent être accomplies, y compris, le cas échéant, l'invalidation de la déclaration en douane concernée ;
e) aucune autorisation avec effet rétroactif n'a été accordée au demandeur dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle la demande a été acceptée ;
f) un examen des conditions économiques n'est pas requis, sauf lorsque la demande porte sur le renouvellement d'une autorisation couvrant le même type d'opérations ou de marchandises ;
g) la demande ne concerne pas l'exploitation d'installations de stockage pour l'entrepôt douanier de marchandises ;
h) lorsque la demande concerne le renouvellement d'une autorisation couvrant le même type d'opérations et de marchandises, elle est présentée dans un délai de trois ans à compter de la cessation de la validité de l'autorisation initiale.
Les autorités douanières peuvent également accorder une autorisation avec effet rétroactif lorsque les marchandises qui ont été placées sous un régime douanier ne sont plus disponibles au moment où la demande d'autorisation a été acceptée. »
  
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy guide des procédures douanières, au n° 110-12 pour l’application dans le temps du CDU, et au no 745-50 pour la DP. La décision ici présentée est intégrée notamment à ces numéros dans la version en ligne de l’ouvrage sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
  
Source : Actualités du droit