<< Retour aux articles
Image

Droit de visite d’un navire de l’article 63 du Code des douanes : le juge ne reste pas vague !

Affaires - Pénal des affaires
Transport - Douane
12/10/2022
À propos du droit de visite d’un navire qui se trouve dans un port, dans une rade ou à quai, un arrêt du 5 octobre 2022 de la cour d’appel de Paris s’embarque dans des précisions utiles sur le recours, l’occupant et les procès-verbaux au sens de l’article 63 du Code des douanes.
Recours de l’occupant : juge compétent en cas de visite conjointe des garde-côtes et de la DNRED ?
 
L’article 63 du Code des douanes prévoit que « l'occupant des locaux » dispose d'un recours contre le déroulement des opérations de visite devant le premier président de la cour d'appel « du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure ». Dans l’affaire ici rapportée, les procès-verbaux douaniers mentionnent que la procédure a été diligentée par la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRED) dont la direction est fixée à Ivry Sur Seine (94) : par conséquent, le recours doit être porté devant la cour d'appel de Paris, compétente eu égard au lieu du siège de la DNRED, qui doit être considéré en l'espèce comme le « service chargé de la procédure », et ce même si des opérations de visite relatées dans le procès-verbal ont été effectuées conjointement par les agents du service de garde-côtes de Nice et par les agents relevant de la DNRED.
 
Large notion d’occupant : le propriétaire aussi !
 
Les magistrats parisiens rappellent, s’agissant de la notion d'occupant des lieux dans le cadre des visites domiciliaires, que « la définition qui en est donnée tant par les textes que par la jurisprudence est large » et :
  • d’une part que, dans son arrêt du 14 octobre 2020 (voir les Observations ci-dessous), la Cour de cassation réaffirme que l'occupant est « la personne qui occupe, à quelque titre que ce soit, les locaux dans lesquels la visite est autorisée [...] » ;
  • et d’autre part qu'il résulte de l'instruction du 24 juin 2009 (BOI 13 K-8-09) concernant la procédure de visite domiciliaire de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales que « par occupant des lieux, il faut entendre la personne qui occupe les locaux quel que soit son titre (propriétaire, locataire, à titre gratuit...) ».
 
Les magistrats ajoutent qu’en l’espèce, les éléments du dossier issus des renseignements collectés par la Douane font apparaitre que le navire appartient à une société dont l’auteur du recours est le propriétaire effectif et « qu'à ce titre il doit être considéré comme occupant des lieux comme propriétaire du navire, au sens de l'article 63 du code des douanes et qu'il dispose d'un recours contre le déroulement des opérations de visite ».
 
Observations
La décision du 14 octobre 2020 de la Cour de cassation ci-dessus citée par le juge a été rendue dans le cadre du droit de visite domiciliaire conféré à l’autorité des marchés financiers ; il s’agit même de deux décisions du même jour publiés au Bulletin des arrêts de la Cour qui visent comme occupant des lieux « la personne qui occupe, à quelque titre que ce soit, les locaux dans lesquels la visite est autorisée, à l'exclusion des personnes de passage au moment de la visite domiciliaire, ce passage serait-il attendu » (Cass. com., 14 oct. 2020, n° 18-15.840 et Cass. com., 14 oct. 2020, n° 18-17.174).
 
Irrégularité de la procédure : notion de PV subséquent annulable
 
Un procès-verbal contesté est fondé l’article 63 et concerne la visite de la cabine du capitaine ; un autre PV même postérieur mais qui relate des opérations qui ont débuté plus tôt que la visite de la cabine et qui comporte un fondement juridique différent ne peut être considéré comme un acte subséquent et ne peut donc être annulé au motif que le premier PV précité serait nul.
 
Un recours étant porté contre un procès-verbal nº 5 et non pas contre le procès-verbal nº 4, qui n'a pas été joint au recours, ce dernier PV « ne peut être considéré comme acte subséquent étant antérieur » au procès-verbal nº 5.
 
Nullité du PV établi sur le fondement de l’article 63 pour irrégularités cumulées
 
La cour d’appel annule le procès-verbal fondé sur l’article 63 précité au motif que de « graves erreurs révèlent un manque de rigueur de la part des agents des douanes concernant les opérations relatées dans le procès-verbal (...) et affectent définitivement la régularité du procès-verbal et des opérations » : ces erreurs/irrégularité sont les suivantes :
  • l’article 63 prévoit son utilisation par les agents des douanes « en vue de la recherche de la fraude », mais dans aucun procès-verbal de cette procédure une quelconque fraude n'est évoquée ;
  • le B de cet article prévoit la possibilité pour l'occupant des lieux de refuser la mesure, mais le procès-verbal ne fait pas mention de l'information de ce droit qui aurait été portée à sa connaissance ;
  • le procès-verbal ne fait aucunement mention de l'intervention d’un interprète et l'emplacement de la signature de l'interprète n 'est pas revêtu de sa signature mais comporte le numéro de matricule d'un contrôleur principal d'un garde-côtes ; le juge précise que « cette difficulté a été évoquée lors de l'audience (...) et soumise au débat contradictoire à laquelle la DNRED n'a donné aucune explication » (voir les Observations ci-dessous) ;
  • enfin, l'indication de la juridiction compétente pour l'exercice des voies de recours est absente.
 
Observations
S’agissant de l’explication qu’attendait peut-être la cour d’appel à l’audience quant à la présence du matricule d’un garde-côte à la place de la signature de l’interprète, on peut faire un lien avec une décision précédente validant un procès-verbal rédigé par un agent des douanes en langue française même si ce dernier a pu servir d'interprète à son destinataire pour le traduire en langue étrangère, « langue comprise et acceptée par l'intéressé » : dans cette affaire-ci, il a été jugé sur le fondement de l'article 323 du Code des douanes que ce PV n'est pas vicié du seul fait qu'un des agents a fait office d'interprète (CA Saint-Denis de la Réunion, 24 déc. 2019, n° 18/00146, Directeur régional des douanes de Mayotte c/ X, soulignant comme une condition que rien ne permettait de contester la sincérité du concours apporté par le douanier à X en langue étrangère ; sur cet arrêt-ci, voir Procès-verbal : pas de nullité pour une traduction par un interprète-douanier », Actualités du droit, 10 janv. 2020).
 
 
 
Source : Actualités du droit