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MACF : enjeux et conseils de professionnels

Transport - Douane
06/02/2024
Pour résoudre certains défis du mécanisme d’ajustement carbone au frontière (MACF), et notamment celui des données à fournir, des experts proposent des solutions utiles lors du Symposium Douane organisé par le magazine Classe Export le 1er février 2024.
Compréhension de la réglementation MACF
 
Even Derozières, le responsable des affaires douanières de TLF Overseas, rappelle le cadre juridique du mécanisme d’ajustement carbone au frontière qui vise les importations de produits avec des standards de carbone très bas et donc concurrentes des entreprises de l’UE (le sujet est lié à la disparition des quotas gratuits, des quotas ETS). Il s’agit du règlement 2023/956 du 10 mai 2023 et du règlement d’exécution 2023/1773 du 17 août 2023 (sur ces textes, voir Importations et règlement MACF : quelles obligations pendant la période transitoire ?, Actualités du droit, 24 mai 2023 et voir Règlement d’application MACF pour la période transitoire : aspects douaniers et autres, Actualités du droit, 20 sept. 2023).
 
S’agissant des acteurs publics, le représentant de TLF Overseas rappelle que la Commission européenne qui a rédigé la norme assure la supervision du registre MACF où les opérateurs doivent déposer les déclarations. Au niveau national, l’autorité compétente est la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) en charge de récupérer les déclarations et des aspects normatifs, la Douane intervenant comme autorité de contrôle, chargée de vérifier les aspects « flux physiques et logistiques » et la conformité entre ce qui est déclaré et les tonnes de marchandises importées en France.
 
S’agissant des acteurs privés, il revient aussi sur la notion de déclarant MACF et l’articulation avec les représentants en douane selon que la représentation est directe ou indirecte (sur ce point, voir l’actualité précitée du 20 septembre 2023 et voir Webinaire MACF : des aspects douaniers, Actualités du droit, 19 sept. 2023).
 
Éléments de calendrier
 
Si le MACF entre pleinement en vigueur en janvier 2026, les opérateurs sont soumis aux obligations de la période transitoire depuis 1er octobre 2023 et la première échéance pour eux était celle du 31 janvier 2024 avec le dépôt du premier rapport trimestriel concernant la période d’octobre à décembre 2023 (ce dépôt a connu un report potentiel, voir l’encadré ci-dessous). Durant la période transitoire, l’objectif est en effet de collecter les données nécessaires à la finalisation du mécanisme sous forme de rapports trimestriels (ces données portent sur les quantités de marchandises, les émissions intrinsèques en tonnes de GES, les émissions indirectes totales, le prix du carbone dû dans le pays d’origine, etc.).
 
À partir de janvier 2025, les opérateurs pourront/devront commencer à formuler une demande pour obtenir le statut de déclarant MACF.
 
Premier rapport trimestriel : un report
Les opérateurs devaient déposer un 1er rapport trimestriel au 31 janvier 2024, mais un délai supplémentaire a été accordé par la DGEC. Sur son site, à la date du 1er février 2024, cette direction indique en effet notamment qu’« un délai de grâce d'un mois supplémentaire est prévu pour les déclarants ayant rencontré un dysfonctionnement du registre ». Elle rappelle aussi que, si les opérateurs n’ont pas « pu respecter cette échéance, il est fortement recommandé de soumettre un rapport, même incomplet, dans les meilleurs délais, à l'aide du bouton "Request Delay" » et enfin qu’ils auront « toujours la possibilité de modifier [leurs] rapports après soumission, et ce jusqu'au 31 juillet 2024 ».
La responsable Douane de Michelin confirme les difficultés techniques pour se connecter à la plateforme/au registre MACF et pour le dépôt des rapports. Sur ce point qu’il confirme aussi, Even Derozières souligne l’aide utile apportée par les pôles d’action économique (PAE) de la Douane qu’il ne faut pas hésiter à solliciter.
 
Les « bons réflexes »
 
Le responsable de TLF Overseas liste les actions à mener s’agissant du MACF :
  • identifier les flux de marchandises concernées : il n’y a pas que les matières premières qui sont concernées, les produits transformés aussi ;
  • conduire une analyse de risque (avec le service juridique par rapport aux sanctions) et, pour janvier 2026 (donc après la phase transitoire), une analyse des enjeux pour les flux identifiés s’agissant de perturbations dans la chaine logistique et les risques financiers éventuels ;
  • identifier les acteurs pertinents : les opérateurs sont face à un nouveau domaine, une nouvelle matière dont ils ne sont pas forcément familiers, c’est-à-dire le calcul des données carbone au niveau des unités de production dans les pays tiers ;
  • obtenir ces données pertinentes du pays tiers de départ ;
  • mettre en place des méthodes de calculs et les fiabiliser (pour mémoire, la possibilité est laissée aux importateurs d’utiliser les valeurs par défaut jusqu’en juillet 2024) ;
  • déposer ses rapports trimestriels.
 
Quel(s) responsable(s) pour les données MACF dans l’entreprise ? Quelles méthodes ?
 
Pour Maeva Paqueriaud, la responsable Douane de Michelin, « ce n’est pas à l’équipe douane de devenir expert du calcul des données » : si cette équipe est certes un point d’entrée avec les codes des marchandises concernées, il faut intégrer les équipes RSE et achats. Elle souligne d’ailleurs qu’à partir de 2026, le sujet portera sur l’achat des certificats en amont de l’importation et ce ne sera plus l’équipe Douane qui sera la première concernée.
 
Dans le même sens, Maître Sophie Dumon-Kappe (cabinet DS Avocats) confirme la nécessité de travailler « en mode projet » : une telle méthode structurante implique bien sûr la direction douane de l’entreprise, mais aussi le service des achats (qui est en lien direct avec le fournisseur qui possède des données utiles), la direction RSE qui a une connaissance du système européen ETS (supposé être le miroir du MACF) et la direction juridique bien sûr (s’agissant des relations contractuelles). Elle ajoute que les opérateurs doivent faire preuve de « pédagogie à destination des fournisseurs ». Si un importateur envoie le tableau Excel des données requises pour le rapport à un fournisseur, le risque de non-réponse est sensible. Il faut donc trouver les bons interlocuteurs, par exemple via les achats qui sont en contact avec des commerciaux du fournisseur qui, s’ils n’ont pas les méthodes de construction, peuvent se rapprocher des ingénieurs. La tâche n’est « pas insurmontable », mais « nécessaire » et là aussi toujours en mode projet. Il est également possible de contractualiser avec les fournisseurs/producteurs tiers l’obtention des données réelles à déclarer dans le « reporting ». Enfin, l’avocate rappelle aussi utilement qu’avant la fin de la période de transition, un rapport sera fait par la Commission au Parlement européen pour se prononcer sur la pertinence d’une extension du MACF à d’autres produits que ceux actuellement visés par l’annexe du règlement 2023/956 précité.
Source : Actualités du droit