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Le principe d’effectivité précipite la mise en œuvre de la directive Dommages

Affaires - Droit économique
04/04/2019
À la faveur d’un arrêt préjudiciel rendu le 28 mars 2019, la Cour de justice de l’Union européenne est venue préciser les règles d’application dans le temps de la directive Dommages.
Dans cette affaire, l’autorité de concurrence portugaise avait sanctionné Sport TV pour abus de position dominante, décision confirmée par la suite par la cour d’appel de Lisbonne. Sur la base de ces décisions, le groupe Cogeco a demandé réparation du préjudice causé par cette infraction au droit de la concurrence, en se fondant sur la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 (la directive Dommages), qui lui accorde des droits plus étendus que les dispositions du droit portugais. Le code civil portugais prévoit ainsi par exemple un délai de prescription de 3 ans à compter de la date à partir de laquelle la personne lésée a eu connaissance de son droit à réparation, alors que l’article 10 de la Directive prévoit un délai de 5 ans à compter de la connaissance du comportement, du préjudice causé et de l’identité de l’auteur de l’infraction.

Or, les faits dénoncés par Cogeco avaient eu lieu avant l’expiration du délai de transposition de la directive – et avant même sa publication. A donc été transmise à la Cour de justice la question préjudicielle suivante : la directive Dommages est-elle applicable aux litiges intentés avant l’expiration du délai de transposition de celle-ci et visant des faits antérieurs à sa date de publication ?

Réponse : oui, à certaines conditions. Ici, en tout cas, le principe d’effectivité a conduit à imposer certaines des obligations de la directive Dommages avant sa transposition. La Cour, citant l’arrêt Kone (CJUE, 5 juin 2014, aff. C‑557/12, Kone e.a., ECLI:EU:C:2014:1317, pt 25) rappelle ainsi en premier lieu que les règles applicables aux recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l’effet direct du droit de l’Union ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe d’équivalence) et ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité). Pour finalement juger que l’article 102 TFU – réprimant les abus de position dominante – et le principe d’effectivité s’opposent à une réglementation nationale, qui, d’une part, prévoit que le délai de prescription en matière d’actions en dommages et intérêts est de 3 ans et commence à courir à compter de la date à laquelle la personne lésée a eu connaissance de son droit à réparation, même si le responsable de l’infraction n’est pas connu et, d’autre part, ne prévoit aucune possibilité de suspension ou d’interruption de ce délai au cours d’une procédure suivie devant l’autorité nationale de concurrence.

En résumé : les règles de prescription litigieuses rendant l’exercice du droit de demander réparation pratiquement impossible ou excessivement difficile, cette réglementation nationale portait atteinte à l’application effective de l’article 102 TFUE. Il en résulte que les dispositions plus protectrices de la directive Dommages trouvent à s'appliquer en l'espèce.
Source : Actualités du droit