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Loi PACTE : habilitation du gouvernement à prendre par ordonnance les mesures transposant la future directive "insolvabilité"

Affaires - Commercial
23/05/2019
La loi du 22 mai 2019 autorise le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures, relevant du domaine de la loi, nécessaires pour rendre compatibles avec le droit de l’Union européenne les dispositions de notre code de commerce relatives aux difficultés des entreprises (livres IV, VI et VIII). Cette habilitation permet la transposition de la directive "insolvabilité" à venir, visant à créer un juste équilibre entre les intérêts respectifs des débiteurs et des créanciers. Avec cette transposition, le droit français des procédures collectives sera donc amené à connaître des modifications substantielles, notamment en matière de prévention.
La proposition de directive du 22 novembre 2016 relative à l’insolvabilité des entreprises, modifiée en octobre 2018 par le Conseil de l’Union, constitue la première initiative européenne portant sur le droit matériel de l’insolvabilité. Elle a pour objectif général de "réduire les principaux obstacles à la libre circulation des capitaux découlant des différences entre les cadres de restructuration et d’insolvabilité des États membres et de renforcer la culture du sauvetage dans l’Union européenne" (cf. également, les observations du Sénat sur le projet de loi Pacte). La future directive "insolvabilité" prévoit une harmonisation minimale afin de laisser une certaine souplesse aux États membres dans des cas spécifiques, eu égard aux contextes nationaux (cf. communiqué de presse Conseil UE 555/18 du 11 octobre 2018).
 
L’article 196 de la loi du 22 mai 2019 autorise ainsi le gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la publication de ladite loi, "dans des conditions favorisant la poursuite de l’activité, la sauvegarde de l’emploi, l’apurement du passif et le rebond des entrepreneurs honnêtes, et permettant la réduction des coûts et des délais des procédures", les mesures nécessaires pour rendre compatibles les dispositions des livres IV, VI et VIII du code de commerce avec le droit de l’Union européenne, et en particulier les principes qui résultent de la future directive ; le livre VI du code de commerce sera donc modifié sur plusieurs points et on citera, notamment, l’institution des classes de créanciers, innovation s’inspirant du droit américain.

Plus précisément, l’harmonisation porte sur les thèmes énumérés à l’article 196-I de la loi Pacte, l’adverbe "notamment" induisant toutefois que la liste n’est pas limitative. Ainsi, la mise en cohérence du droit national avec la directive s’effectuera, notamment :
 
— en remplaçant les dispositions relatives à l’adoption des plans de sauvegarde en présence de comités de créanciers par des dispositions relatives à une procédure d’adoption de ces plans par des classes de créanciers ;
 
— en introduisant la possibilité pour le tribunal d’arrêter un plan malgré l’opposition d’une ou plusieurs classes de créanciers ;
 
— en précisant les garanties et conditions nécessaires à la mise en œuvre des deux premiers points, relatives notamment à la protection des intérêts du débiteur, des créanciers et des personnes concernées par les plans de sauvegarde ;
 
— en imposant le respect des accords de subordination conclus avant l’ouverture de la procédure de sauvegarde ;
 
— en aménageant les règles relatives à la suspension des poursuites ;
 
— en développant les mesures destinées à favoriser le rebond de l’entrepreneur individuel faisant l’objet de procédures de liquidation judiciaire et de rétablissement professionnel (on notera que l’article 57 de la loi Pacte modifiant les dispositions sur le rétablissement professionnel va en ce sens) ;
 
— en modifiant les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire afin de les mettre en cohérence avec les modifications apportées.
 
L’article 196-II de la loi prévoit le dépôt d’un projet de loi de ratification devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance susmentionnée.
 
À noter : la directive "insolvabilité", une fois adoptée, complètera le règlement (UE) 2015/848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité (résolution des conflits de compétence et de lois dans les procédures transfrontalières d’insolvabilité ; reconnaissance des décisions en matière d’insolvabilité dans toute l’Union européenne).
 
Pour des compléments sur la réglementation européenne des procédures collectives, se reporter aux nos 4869 et s. de l’édition 2019 du Lamy droit commercial.
Source : Actualités du droit