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La semaine du droit des sociétés

Affaires - Sociétés et groupements
23/09/2019
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit des sociétés, la semaine du 16 septembre 2019.
Mise en garde – défaut d’information – CEDH 
« Selon l’arrêt attaqué (Paris, 22 février 2018), le 28 décembre 2006, Mme X et MM. X et Y ont constitué la société civile immobilière de la Brie (la SCI) en vue de l’acquisition d’un terrain sur lequel devait être édifié un immeuble à usage industriel et de bureaux ; par acte authentique du 11 juillet 2008, les sociétés OSEO financement, devenue Bpifrance financement, CMCIC lease, Natiocrédibail et Fortis lease ont conclu avec la SCI un contrat de crédit-bail destiné à financer l’acquisition du terrain et la construction de l’immeuble ; que, par acte authentique du 4 décembre 2009, les parties ont conclu un avenant destiné à financer la réalisation de travaux supplémentaires, garanti par un engagement de caution solidaire souscrit par M. Y, gérant de la SCI ; la SCI étant défaillante, une ordonnance de référé du 6 septembre 2013 a constaté l’acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat ; la SCI et ses associés ont assigné les crédits-bailleurs en responsabilité pour manquement à leur devoir de mise en garde et de conseil lors de la conclusion du crédit-bail et de son avenant ; la SCI a été mise en liquidation judiciaire ; les crédits-bailleurs ont appelé le liquidateur en intervention forcée et demandé reconventionnellement la fixation de leur créance au passif de la SCI, ainsi que la condamnation des associés et de la caution à leur payer les sommes dues à la suite de la résiliation du crédit-bail (…) » ;
 
« Mais ayant relevé que les pièces leur avaient été communiquées le 28 octobre 2016 et qu’ils avaient été en mesure de les discuter et d’y répondre, la cour d’appel en a déduit à bon droit que, en l’absence de violation du principe de la contradiction, la demande devait être rejetée (…) » ;
 
« Mais ayant retenu à bon droit que seules les personnes non averties peuvent bénéficier du devoir de mise en garde et que le caractère averti d’une personne morale s’apprécie, lors de la conclusion du contrat, en la personne de son représentant, et relevé que M. Y avait créé le groupe Bergame en 1993 et était le dirigeant de toutes les sociétés de ce groupe, dont il connaissait la situation et les perspectives de développement, qu’il avait choisi le terrain, décidé des travaux et de l’opération dans son ensemble, qu’il avait auparavant réalisé une opération d’acquisition à effet de levier, dite de Leveraged by out (LBO), pour procéder au rachat d’une société en 2001, avant de réaliser une autre opération de croissance externe en 2005, qu’il avait déjà procédé à des financements similaires et disposait de connaissances et d’une expérience avérées dans le domaine de la gestion, lui permettant d’appréhender le crédit contracté ainsi que la teneur et la portée de ses propres obligations en qualité de caution, la cour d’appel, qui a procédé aux  recherches prétendument omises, en a souverainement déduit que M. Y était un emprunteur et une caution avertis et a ainsi, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ces chefs (…) » ;
 
« Mais, d'une part, il ne résulte pas de leurs conclusions d’appel que les consorts X, la SCI et son liquidateur aient soutenu que la privation pour l’associé d’une société civile du droit à se prévaloir du fait qu’il est profane violait l’article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; le moyen est de ce chef nouveau, mélangé de fait et de droit ; d’autre part, lorsque l’emprunteur est une société civile immobilière, seule celle-ci est créancière de l’obligation de mise en garde et non ses associés, même si ceux-ci sont tenus indéfiniment des dettes sociales, et que le caractère averti de cet emprunteur s’apprécie en la seule personne de son représentant légal et non en celle de ses associés ».
Cass. 3e civ., 19 sept. 2019, n° 18-15.398, P+B+I*

 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 23 octobre 2019.

Société – infraction pénale du dirigeant – faute détachable des fonctions – mandat – dette de réparation
« Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2016), par un arrêt définitif, M. X a été déclaré coupable de complicité d’abus de biens sociaux commis au préjudice de la Société des lubrifiants Elf Aquitaine (la SLEA), à laquelle a succédé la société Total lubrifiants, et condamné à payer à cette dernière une certaine somme à titre de dommages-intérêts ; soutenant avoir agi au nom et pour le compte de la société Coprim dont il était le dirigeant, M. X a assigné la société Sogeprom entreprises (la société Sogeprom), venue aux droits de cette dernière, en remboursement des sommes versées à la société Total lubrifiants (…) » ;
 
« Mais, après avoir énoncé, par motifs adoptés, que le dirigeant social d’une société détient un pouvoir de représentation de la société, d’origine légale, l’arrêt retient, à bon droit, que les dispositions spécifiques du Code civil régissant le mandat n’ont pas vocation à s’appliquer dans les rapports entre la société et son dirigeant (…) » ;
 
« Mais, ayant relevé que M. X avait été définitivement jugé coupable de complicité d'abus de biens sociaux au préjudice de la SLEA, retenu que cette faute impliquait un usage illicite des biens de la société qu’il dirigeait, consistant à rémunérer des commissions occultes avec le patrimoine de celle-ci, et énoncé que la faute pénale intentionnelle du dirigeant est par essence détachable des fonctions, peu important qu’elle ait été commise dans le cadre de celles-ci, ce dont elle a déduit que M. X ne pouvait se retourner contre la société venant aux droits de la société Coprim pour lui faire supporter in fine les conséquences de cette faute qui est un acte personnel du dirigeant, que ce soit vis-à-vis des tiers ou de la société au nom de laquelle il a cru devoir agir (…) » ;
 
« Mais, la cour d’appel ayant retenu, par des motifs vainement critiqués par le deuxième moyen, que la faute pénale intentionnelle commise par le dirigeant était un acte personnel dont il devait seul assumer les conséquences, ce dont il se déduit que la dette de réparation du préjudice causé par cette faute est une dette propre, le grief
pris de ce que M. X aurait supporté sur ses biens la dette de la société manque par le fait qui lui sert de base ».
Cass. Com., 18 sept. 2019, n° 16-26.962, P+B*

*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 23 octobre 2019.
 
Source : Actualités du droit