<< Retour aux articles
Image

Code des douanes : « une ordonnance et une sévère ! »

Transport - Douane
24/09/2019
L’ordonnance no 2019-963 transposant la directive PIF « unifie » les comportements intentionnels frauduleux dans un nouvel article 414-2 du Code des douanes, modifie d’autres articles de ce code en conséquence et étend le délit de blanchiment de l’article 415 du même code et sa répression. Présentation « à la loupe » de l’angle douanier.
L’ordonnance n° 2019-963 du 18 septembre 2019 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne au moyen du droit pénal a été prise sur le fondement de l’article 202 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (dite loi PACTE). Par cet article 202, le législateur a habilité le Gouvernement à prendre des dispositions relevant du domaine de la loi à cette fin par voie d’ordonnance. L’objectif de l’ordonnance est la transposition de la directive dite PIF, c’est-à-dire la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal. La protection des intérêts de l’UE passant, en ce qui concerne les recettes de celle-ci, par la répression notamment des délits de contrebande et d’importation de biens ou de marchandises sans déclaration ou par fausse déclaration, prévus par le code des douanes, celui-ci est sensiblement impacté par l’article 3 de l’ordonnance qui constitue le cœur des développements ci-après. D’une part, cet article 3 crée dans ce code un nouvel article 414-2 au rang des délits douaniers de première classe et modifie consécutivement d’autres articles de ce code ; d’autre part, il aggrave le délit de blanchiment de l’article 415 dans ce code.
 
Nouvel article 414-2 : c’est l’intention qui compte !
 
Le rapport au Président de la république sur l’ordonnance (NOR : JUSD1918088P, JO 19 sept. 2019) fournit une explication de texte sur ce nouvel article 414-2 : l’article 3 de l’ordonnance « crée un délit réprimant la fraude douanière intentionnelle à l'exportation et à l'importation. Ce nouveau délit puni de 5 ans d'emprisonnement concernera les faits intentionnels de contrebande, d'importation et d'exportation sans déclaration et avec fausse déclaration. Il unifie ainsi au sein d'un même article les comportements intentionnels frauduleux jusqu'ici réprimés dans des textes épars ».
 
Texte de l’article 414-2 nouveau
 
L’article fixe les éléments matériels des infractions intentionnelles qu’il vise et leurs sanctions, puis prévoit une circonstance aggravante pour leur commission en bande organisée et termine par l’encadrement des confiscations possibles :
 
« Est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende comprise entre une et deux fois la valeur de l'objet de fraude, lorsqu'il est commis intentionnellement et qu'il se rapporte à des marchandises qui ne sont pas mentionnées à l'article 414, tout fait de contrebande ainsi que tout fait d'importation ou d'exportation sans déclaration.
Est puni des peines prévues au premier alinéa du présent article tout fait intentionnel de fausse déclaration, d'utilisation d'un document faux, inexact ou incomplet ou de non-communication d'un document, ayant pour but ou pour résultat, en tout ou partie, d'obtenir un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage financier attachés à l'importation ou à l'exportation.
Les délits réprimés au présent article sont punis de dix ans d'emprisonnement et d'une amende pouvant aller jusqu'à dix fois la valeur de l'objet de la fraude lorsqu'ils sont commis en bande organisée.
Les délits réprimés au présent article sont également passibles de la confiscation de l'objet de fraude, de la confiscation des moyens de transport, de la confiscation des objets servant à masquer la fraude, de la confiscation des biens ayants servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, de la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l'infraction.
 »
 
Autres articles du Code des douanes impactés
 
La volonté d’« unifier » ci-dessus via l’article 414-2 a des effets sur d’autres articles « éparpillés aux quatre coins » non pas de Paris mais du Code des douanes. Pour des raisons de cohérence, les articles suivants sont également modifiés.
 
Ainsi, l’article 65 A bis relatif aux contrôles de certaines opérations effectuées dans le cadre de la Communauté européenne (voir n° 1010-16) est modifié s’agissant de la sanction en visant désormais seulement l’article 414-2 ci-dessus pour ce qui est intentionnel ; il est même précisé dorénavant par cet article qu’en cas « d'irrégularité non intentionnelle », on applique l'article 410.
 
L’article 370 relatif à la récidive (voir n° 1015-40concerne désormais lui aussi l’article 414-2 ci-dessus .

L’article 412 relatif à la contravention de 3e classe (voir n° 1015-8) est modifié de manière à préciser qu’il s’applique lorsque les faits qu’ils visent ne sont pas spécialement réprimés par l'article 414-2 ci-dessus.

L’article 426, relatif aux réputations d’importation ou exportation sans déclaration de marchandises prohibées (voir n° 1015-28), est amputé des termes qui impliquaient jusqu’ici un caractère intentionnel (« manœuvres » et « but »).

Enfin, l’article 432 bis relatif aux peines privatives de droits (interdiction d’exercice d’activité et suspension de permis de conduire ; voir n° 1015-58) concerne désormais lui aussi l’article 414-2 ci-dessus.

Délit de blanchiment : aggravation
 
Là encore, le rapport au Président de la république sur l’ordonnance fournit une explication de texte sur la modification/aggravation du délit de blanchiment de l’article 415 du Code des douanes (voir n° 1015-14) pour le mettre en conformité avec les exigences de la directive PIF : « D'une part, [l’article 3 de l’ordonnance] instaure pour ce délit une circonstance aggravante de bande organisée. D'autre part, il prévoit l'applicabilité de cette infraction lorsque l'infraction d'origine porte atteinte aux intérêts financiers de l'Union. Ce dernier point permettra de sanctionner des faits de blanchiment du produit d'une fraude aux intérêts de l'Union commise à l'étranger dès lors qu'elle porte atteinte aux intérêts financiers de l'Union ».
 
En effet, à l’article 415 sont introduits : d’abord, « la confiscation des biens ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre » ; ensuite, les délits « portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne » ; enfin, une circonstance aggravante qui permet de porter l'amende prévue au premier alinéa « jusqu'à dix fois la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction lorsque celle-ci est commise en bande organisée ».
 
Application à Wallis et Futuna
 
Pour être complet, indiquons que les articles 370, 412, 414-2, 415, 426 et 432 bis du code des douanes exposés ci-dessus sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2019-963 ici présentée.
 
Et après l’ordonnance ?
 
Pour mémoire, le mécanisme d’une ordonnance, telle que celle exposée ci-dessus, une fois promulguée est le suivant : elle entre en vigueur dès sa publication et un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement ; s’il n’est pas déposé avant la date fixée par la loi d’habilitation (soit, selon l’article 202 de la loi n° 2019-486, dans un délai de six mois à compter de la publication de l'ordonnance, donc d’ici le 19 mars 2020), l’ordonnance devient caduque ; une fois qu’il est déposé, soit l’ordonnance est approuvée (ratifiée) par le Parlement et elle acquiert la valeur de loi, soit le Parlement refuse la ratification et l’ordonnance devient caduque et l’état du droit antérieur est alors rétabli.
 
Notons également que l'article 1er de l'ordonnance a aussi pour objet d'étendre la compétence des juridictions françaises pour connaître des infractions entrant dans le champ d'application de la directive dite « PIF » précitée commises à l'étranger par un Français ou une personne résidant ou exerçant une activité économique sur le territoire français : un nouvel article 113-14 du Code pénal dispose en effet notamment que la loi pénale française est applicable en toutes circonstances, aux délits de contrebande, d'importation ou d'exportation frauduleuse prévus à l'article 414-2 du code des douanes, commis « à l'étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement ou exerçant tout ou partie de son activité économique sur le territoire français », lorsqu'ils portent « atteinte aux recettes perçues, aux dépenses exposées ou aux avoirs qui relèvent du budget de l'Union européenne, des budgets des institutions, organes et organismes de l'Union européenne ou des budgets gérés et contrôlés directement par eux ».
 
Plus d’information sur ces sujets dans Le Lamy Guide des procédures douanières, aux numéros précités. L’ordonnance ici présentée est intégrée à ces numéros dans la version en ligne de cet ouvrage sur Lamyline dans les 48 heures à compter de la publication de la présente actualité.
Source : Actualités du droit