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Contrat de services de longue durée : comment (bien) prévoir la rupture anticipée ?

Civil - Contrat
07/10/2019
D’une clause de résiliation anticipée à une clause pénale, il n’y a qu’un pas… et de possibles conséquences financières ! Nouvelle illustration jurisprudentielle.
Le prestataire de services peut être tenté d’imposer dans le contrat le liant à son client une clause prévoyant le paiement d’une indemnité très importante en cas de résiliation anticipée de la part de celui-ci. Il prend le risque que la clause soit requalifiée par le juge en clause pénale. Dans un arrêt du 25 septembre 2019, la Cour de Cassation est venue rappeler ce risque, et, par conséquent, tout l’intérêt de l’attention à porter à la rédaction de cette clause.

Les faits
Dans un contrat de prestation de services, d’une durée de cinq ans, ayant pour objet l’entretien de deux copieurs et la fourniture de produits consommables, figure une clause de résiliation anticipée prévoyant l’obligation, pour le client, de payer une indemnité égale à 100 % de la valeur moyenne mensuelle des copies effectuées ou dues depuis la date d’entrée en vigueur du contrat jusqu’à la date de résiliation anticipée, multipliée par le nombre de mois restant à courir entre la date de résiliation et le terme initial du contrat. Le client résilie le contrat trois ans avant la date de fin initialement convenue. Le prestataire de services l’assigne alors en paiement de l’indemnité de résiliation anticipée.
 
La cour d’appel fait droit à sa demande : la durée du contrat était, pour le prestataire, un élément déterminant de son consentement. La résiliation anticipée du contrat était de nature à créer un déséquilibre de l’économie générale du contrat. La clause de résiliation anticipée prévoyant le paiement d’une indemnité ne constituait pas une clause pénale, mais l'exécution d'une disposition contractuelle librement consentie. Selon les juges du fond, l'indemnité devait être payée en intégralité.
 
La solution
Au visa de l’article 1152 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la Haute juridiction casse l’arrêt d’appel : « Alors que la clause litigieuse stipulait une indemnité de résiliation anticipée de la part du client dont le montant était équivalent au prix dû en cas d’exécution du contrat jusqu’à son terme et présentait, dès lors, un caractère comminatoire, en ayant pour objet de contraindre le locataire d'exécuter le contrat jusqu’à cette date, de sorte qu'elle constituait une clause pénale et non une clause de dédit, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».
 
Distinction clause de dédit/clause pénale : une jurisprudence constante
La clause pénale ressemble un peu à la clause de résiliation anticipée ou clause de dédit (C. civ., anciens art. 1226 et 1152, devenus art. 1231-5). La clause de dédit revêt un caractère compensatoire et constitue le prix d’une faculté de rétractation reconnue à son bénéficiaire. La clause pénale possède un caractère indemnitaire et définit forfaitairement le montant des dommages et intérêts dus par la partie qui n’exécute pas ses obligations. L’intérêt de la distinction réside essentiellement dans le fait que le juge a le pouvoir de réviser à la hausse ou à la baisse le montant de la clause pénale si celui-ci est manifestement dérisoire ou excessif, alors qu’il ne peut pas modifier le montant de la clause de résiliation anticipée.

Dans l'affaire jugée le 25 septembre 2019, la Cour de cassation, pour requalifier la clause de dédit en clause pénale, a repris le critère classique de la contrainte du client à l'exécution du contrat jusqu'à son terme (à propos de l’irrévocabilité d’une inscription dans une école : Cass. 1re civ., 10 oct. 1995, n° 93-16.869, Bull. civ. I, n° 347 ; à propos de contrats de prestations de services à durée déterminée prévoyant qu’en cas de résiliation unilatérale, le client devait régler au prestataire une indemnité égale aux sommes qui auraient été facturées jusqu’au terme du contrat : Cass. com., 13 févr. 2007, n° 05-17.054, D ; Cass. com., 10 mars 2015, n° 13-27.993, D ; Cass. com., 5 déc. 2018, n° 17-22.346, D).

La Cour de cassation ayant qualifié ici la clause pénale, les juges du fond seront amenés à apprécier le montant de l'indemnité due. Ils en fixeront souverainement le montant sans être tenu de le limiter à celui du préjudice réellement subi (Cass. 1re civ., 8 juin 2004, n° 00-15.497).

Pour aller plus loin :
  • Le Lamy droit du contrat, nos 2499, 3094 et s., 3109 ;
  • La clause de dédit, Valdelièvre G., RLDC 2018/157, n° 6419 ;
  • A propos de la clause de résiliation anticipée dans un contrat de crédit-bail immobilier, voir Le Lamy Sûretés, n° 2016-37.
Source : Actualités du droit