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Remboursement des droits de douane : quid des intérêts pour des droits versés en trop ?

Transport - Douane
19/11/2019
Pour des droits de douane acquittés en trop par un opérateur qui s’est trompé sur la position tarifaire de sa marchandise dans ses déclarations, le juge accorde le remboursement des droits et surtout des intérêts sur le fondement de textes nationaux, mais écarte dans cette hypothèse l’interprétation de la CJUE de 2017 qui ouvrait cette voie.
Ayant commis dans ses déclarations en douane une erreur de classement, un opérateur demande à la Douane le remboursement des droits de douane acquittés en trop... et le paiement d’intérêts. La Douane s'oppose au paiement des intérêts sur le fondement de l’ex-article 241 du Code des douanes communautaire (applicable jusqu'au 30 avril 2016) et de l'article 116, § 6, du Code des douanes de l'Union, applicable depuis le 1er mai 2016, selon lesquels les remboursements par les autorités douanières ne donnent pas lieu au paiement d'intérêts par les autorités douanières concernées.
 
Pour la cour d’appel, le paiement d’intérêts est dû sur le fondement de textes nationaux : le juge écarte en effet l’ex-article 241 du Code des douanes communautaire, ainsi que l’interprétation de 2017 de la CJUE sur ce point.
 
Intérêts : sur quel fondement ?
 
L’opérateur se fonde sur l’ex-article 241 du Code des douanes communautaire pour accorder le paiement d’intérêts s’agissant de l’erreur de classement à l’origine des droits versés à tort. Si cet article-ci posait en principe que « le remboursement par les autorités douanières, de montants de droits à l'importation ou de droits à l'exportation ainsi que des intérêts de crédit ou de retard éventuellement perçus à l'occasion de leur paiement ne donne pas lieu au paiement d'intérêt par ces autorités », il admettait deux exceptions dans lesquelles « un intérêt est payé » : lorsqu’une décision donnant suite à une demande de remboursement n'est pas exécutée dans un délai de trois mois à partir de l'adoption de ladite décision (ce que le CDU prévoit aussi en son article 116) ; lorsque les dispositions nationales le prévoient.
 
La cour d’appel écarte l’application de l’ex-article 241 en indiquant qu’il résulte de cet ex-article 241 « que le remboursement de droits par le service des douanes ne donne pas lieu à paiement d'intérêts ». Toutefois, cette cour retient le droit français pour accorder le paiement d’intérêts à l’opérateur : selon elle, « il résulte de la combinaison des anciens articles 1153 et 1378 du code civil 1378 du code civil [Ndlr : devenus les articles 1231-6 et 1352-7 du Code civil] que celui qui est condamné à restituer une somme indûment perçue doit les intérêts du jour de la demande s'il était de bonne foi et du jour du paiement s'il n'était pas de bonne foi » et, par conséquent, « les intérêts au taux légal seront dus du jour de la demande en justice » (en l’espèce, soit à compter de l'assignation pour certaines déclarations qui y sont visées, soit à compter des conclusions postérieures à l’assignation pour deux autres de ses déclarations).
 
Pas d’intérêts sur le fondement de l’arrêt du 18 janvier 2017 de la CJUE
 
Pour obtenir le paiement d’intérêts en sus du remboursement des droits de douane, l’opérateur invoque une décision de la CJUE de 2017 (CJUE, 18 janv. 2017, aff. C-365/15, Wortmann KG Internationale Schuhproduktionen c/ Hauptzollamt Bielefeld, voir notre actualité du 19 janvier 2017 « Remboursement des droits de douane et intérêts de retard dus à l'opérateur »).
 
Cet arrêt en rappelle certes un autre du 27 septembre 2012 qui considère qu’« il ressort de la jurisprudence de la Cour que, lorsque des taxes ou des droits ont été perçus par un État membre en application d'un règlement de l'Union, déclaré invalide ou annulé par le juge de l'Union, les intéressés qui se sont acquittés des taxes ou des droits en question ont le droit d'obtenir, en principe, non seulement le remboursement des sommes perçues, mais également des intérêts sur lesdites sommes ». Et cet arrêt de 2017 suit certes le même raisonnement : « Dans ce contexte, étant donné, d'une part, que ni l'article 236, paragraphe 1, du code des douanes ni l'article 241 de celui-ci n'excluent le remboursement d'intérêts dans une situation telle que celle en cause au principal et, d'autre part, que le remboursement des droits antidumping en cause est intervenu à la suite de l'annulation par la Cour du règlement sur la base duquel lesdits droits avaient été perçus et, partant, en raison du caractère non conforme de leur prélèvement au droit de l'Union, ce qu'il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, il y a lieu de considérer que le montant de ces mêmes droits remboursés à l'entreprise concernée par l'autorité nationale compétente doit être majoré des intérêts y afférents ».
 
Pourtant, selon la cour d’appel, les solutions de la CJUE en 2017 ne sont pas transposables à la situation de l’opérateur : elles concernaient « le remboursement de droits dû à l'annulation par la Cour du texte qui les avait édictés, ce qui n'est pas le cas de l'espèce ». En revanche, pour le juge français dans l’affaire qui lui est soumise, les droits ont été versés du fait que l’opérateur avait introduit les marchandises en retenant une position douanière erronée, qu'il considérait à l'époque devoir les droits, au vu d'un texte toujours en vigueur et sans faute de l'Administration.
 
Remarques
On pourrait/aimerait objecter que la CJUE au point 39 de son arrêt de 2017 indiquait aussi, juste avant ses motifs dans une formule plus générale, même si elle tirait ainsi les conclusions de ce qui est exposé ci-dessus, que, « lorsque des droits à l’importation, y compris des droits antidumping, sont remboursés au motif qu’ils ont été perçus en violation du droit de l’Union, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, il existe une obligation des États membres, découlant du droit de l’Union, de payer aux justiciables ayant droit au remboursement des intérêts y afférents, qui courent à compter de la date de paiement par ces justiciables des droits remboursés ». Toutefois, il faut se rappeler qu’en matière de remboursement de droits de douane, l’interprétation des textes par le juge est restrictive (comme c’est le classiquement le cas en présence d’exception) : la formulation de la CJUE visant des « droits à l’importation » « perçus en violation du droit de l’Union » n’impliquerait donc pas pour cette raison, pour la cour d’appel, le paiement d’intérêts en cas de remboursement des droits de douane en cas d’erreur des opérateurs dans la détermination du classement des produits qu’ils importent.
 
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy Guide des procédures douanières, n° 460-16. La décision ici présentée est déjà intégrée à ce numéro dans la version en ligne de cet ouvrage sur Lamyline.
 
Source : Actualités du droit