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Douane et traçabilité : objectif compétitivité

Transport - Douane
02/12/2019
Les caractéristiques des données pour une traçabilité efficace, leurs supports, leur compliance et leur management doivent tendre vers plus de compétitivité. C’est une des conclusions du 15e colloque douanier européen de l’ODASCE.
Traçabilité et données : mais quelles données ?

Rendant les conclusions de l’atelier « traçabilité et données », la deuxième table ronde du 15e colloque douanier européen de l’ODASCE liste les caractéristiques et conditions d’une traçabilité efficace des données :
  • des données fiables et utiles ;
  • l’identification de la personne responsable de la donnée ;
  • le recours à un outil structuré pour gérer une base de données ;
  • la standardisation de l’usage des données, ce qui devrait être une réalité du commerce international ;
  • le choix de la donnée qui assurera la traçabilité (client ou fournisseur).
 
Exemple
Frédéric Jacquot, responsable douane d’Airbus, illustre le propos et l’enjeu : la traçabilité, qui porte ici sans surprise sur la sécurité, doit permettre à partir d’un produit fini qu’est l’avion de retrouver la plaque de titane concernée qui présente une défaillance, mais la donnée doit parcourir le chemin inverse et aucun doute ne doit planer sur l’identification de la personne qui la saisit. De même, dans le cadre du Brexit (si ou quand il a lieu), la qualité et l’accessibilité à la donnée deviendraient encore plus indispensables pour Airbus, notamment au plan douanier, les ailes de ses avions étant fabriquées au Royaume Uni.
 
Thérèse-Anne Amy (Arcade Avocats) insiste quant à elle sur la normalisation des données : la volonté serait certes là, mais les normes et standards sont différents d’un secteur à l’autre. Une harmonisation au niveau européen pourrait donc être souhaitable.
 
La mise à jour des données en fonction de leur évolution ou de la réglementation fait aussi partie de sa fiabilité. Une politique harmonisée doit être mise en place, par exemple au sein du service responsable de la Douane en entreprise, sur la numérisation des données, sur la durée de leur conservation et leur format, numérique ou papier (voir ci-dessous également), sur l’équilibre entre la confidentialité et la protection des données, sur l’accès aux données.
 
La conservation de la donnée, son archivage, est aussi un enjeu et sur ce sujet Maître Amy rappelle que la donnée doit être fiable et intègre, mais pose la question du format à retenir, dématérialisé ou papier. Sur cette question de l’archivage, François Cathelineau, trade affairs manager chez Givaudan, souligne l’absence d’harmonisation au sein de la Douane en France quant au recours au digital ou au papier : selon ses interlocuteurs, la réponse à cette question du support peut varier.
 
Traçabilité et digitalisation : valeur ajoutée versus coût
 
Maître Odile Courjon (Taj) pose la question du « comment » s’agissant de la traçabilité. La digitalisation est certes un outil pour y arriver, mais, si cette technologie doit régler un besoin, elle doit aussi apporter une valeur ajoutée. Il faut donc prendre garde à ce que la multiplication des outils, leur non-opérabilité ou leur coût ne deviennent pas un frein. La question de la cybersécurité est aussi une condition également essentielle pour une digitalisation réussie.
 
Hervé Cornède, le directeur général de Soget, insiste quant à lui sur le nerf de la guerre : la digitalisation, oui, mais à quel coût ? Pour quelle valeur ajoutée ? Les process métiers diffèrent selon les secteurs et l’interopérabilité qu’il faut alors mettre en place a forcément un coût. De plus, la digitalisation via par exemple la Blockchain coûte cher aussi, ce qui pose la question du ratio coût/valeur ajoutée : selon Hervé Cornède, qui illustre son propos, la valeur ajoutée peut l’emporter en présence de produits de la chimie dont la traçabilité peut être sensible, mais pas pour des pommes de terre pour lesquelles l’investissement dans une Blockchain serait disproportionné.
 
Exemples
Côté entreprise, Clément Bascoul, responsable compliance du groupe Five, illustre le recours à la digitalisation pour la traçabilité : son groupe qui produit des ensembles industriels a doté ses machines de carte d’identité digitalisée pour les suivre ; pouvant être qualifiées de biens à double usage (BDU), elles doivent en effet répondre à des conditions d’utilisation finale.
Côté Douane, Gil Lorenzo, sous-directeur à la DGDDI en charge des affaires juridiques et de la lutte contre la fraude, cite un exemple de traçabilité digitalisée s’agissant des paquets de cigarette qui se voient attribuer chacun un identifiant unique que les fabricants en France peuvent obtenir chaque jour auprès de l’Imprimerie nationale. Le responsable juridique à la Douane souligne d’ailleurs qu’il s’agit ici de la mise en œuvre d’une directive européenne sur la traçabilité dans le secteur du tabac, mais pas d’une obligation douanière au sens strict qui serait issue du Code des douanes de l’Union, la traçabilité n’y figurant pas en tant que tel.
 
Traçabilité et compliance : vues par les opérateurs ET par la Douane

Sur la notion, pour les opérateurs et pour la Douane, de « compliance » qui a un impact sur la maîtrise de la traçabilité, voir notre actualité dans ces colonnes.
 
Traçabilité et management : un outil de compétitivité
 
Maître Marc Brocardi (Arsene Taxand) cite la formule d’un participant au colloque qui résume avec esprit l’appréhension de la traçabilité qui doit être faite par le management : il s’agit de « casser les silos [d’informations bien sûr] pour récolter du blé » ! Autrement dit, les décideurs doivent s’approprier les données issues de la traçabilité pour en faire un outil de compétitivité, de valeur ajoutée. Les informations récoltées doivent servir, comme l’indique par exemple Olivier Ganne, compliance officer & customs chez Décathlon, à trouver des sources d’économie en termes de droits de douane (notamment en analysant les « nombreux » accords de libre-échange) ou de temps pour une meilleure satisfaction client. Dans le même sens, Arne Mielken, trade content manager chez E2Open, insiste sur le rôle stratégique de la donnée, le risk-manager par exemple devant s’en emparer pour une optimisation maximale et donc veiller au grain. Cela peut impliquer une formation professionnelle pour pouvoir apprécier efficacement ces données... et cela conserve l’humain au cœur du système.
 
Plus d’information sur les sujets évoqués ci-dessus dans Le Lamy guide des procédures douanières.
 
Source : Actualités du droit