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DEE et invalidation de la garantie d’un sursis de paiement pour un AMR douanier

Transport - Douane
17/12/2019
La décision de la Douane d’invalider la garantie d’un opérateur établie pour un sursis de paiement à un AMR est soumise au droit d’être entendu (DEE) du Code des douanes de l’Union : c’est en effet selon le juge une décision susceptible de lui être défavorable en ce qu’elle l’expose « au risque d'exigibilité de la créance avant décision définitive sur la contestation de la créance ».
Destinataire d’AMR, un opérateur a formé des contestations administratives contre eux. Simultanément, il a sollicité un sursis de paiement et présenté une garantie financière de sa société mère sous la forme de deux cautionnements de groupe. La Douane a accordé les sursis de paiement et a mis en place deux inscriptions au privilège du Trésor public en mars et octobre 2013. Par courrier du 5 juillet 2018, la Douane a informé l’opérateur qu’un réexamen du volet comptable des dossiers de celui-ci a conclu à une invalidation totale des deux cautionnements de groupe mis en place et que, les sursis de paiement accordés étant donc dépourvus de garantie, elle l’invitait à régulariser la situation en lui proposant la mise en place d'un cautionnement de groupe unique reprenant l'ensemble des créances contestées.
 
L’opérateur a saisi le 27 juillet 2018 le président du tribunal de grande instance en référé sur le fondement de l’article 349 du Code des douanes national pour demander d’une part l'annulation du courrier précité qu’il qualifie de décision et d’autre part le maintien de ses garanties financières et donc de ses sursis de paiement. Le président du TGI ayant débouté l’opérateur, ce dernier a interjeté appel en avançant notamment deux arguments. D’une part, ledit courrier viole le principe du contradictoire issu des articles 67 A et suivants du Code des douanes français : c’est une décision de la Douane d’invalider les garanties (les cautionnements) qui est « défavorable à ses intérêts » (puisqu’elle conduit immédiatement à l'exigibilité de la dette) et doit donc être soumise au contradictoire. D’autre part , l'article 29 du CDU qui liste les exceptions au principe du contradictoire ne vise pas la décision d'invalidation du cautionnement.
 
Pour la Douane, le courrier ne constituant pas une « constatation susceptible de conduire à une taxation », les articles 67 A et suivants précités ne s’appliquent pas. De plus, selon elle, ce courrier n'indiquant pas que l’opérateur ne bénéficiera plus de sursis de paiement mais simplement que ceux-ci ne sont plus accompagnés de garanties, la décision ne lui était donc pas défavorable au motif qu'elle lui retire le bénéfice du sursis de paiement.
 
Risque d’exigibilité de la dette = décision défavorable
La cour d’appel ne suit pas la Douane et donne raison à l’opérateur. D’abord, pour ce juge, la Douane a admis le caractère décisoire du courrier du 5 juillet 2018. Il lui faut donc ensuite rechercher s’il est susceptible d’avoir un caractère défavorable au sens du § 6 de l’article 22 du CDU qui justifierait le respect du contradictoire. Autrement dit, la cour doit rechercher si la notification à l’opérateur de l’invalidation de ses deux cautionnements de groupe et du fait que les sursis de paiement précédemment accordés sont dès lors dépourvus de garantie, accompagnée d'un modus operandi pour procéder le cas échéant à la régularisation de cette situation, doit être considérée comme une « décision susceptible d'avoir des conséquences défavorables pour le demandeur » selon la formule de l’article précité.
Or, selon l’article 348 du Code des douanes, le sursis de paiement est accordé au redevable si la contestation est accompagnée de garanties destinées à assurer le recouvrement de la créance contestée. Ce texte dispose aussi que, au cas où le sursis de paiement est accordé ou si des mesures conservatoires sont prises, l'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la contestation de la créance soit par l'autorité administrative désignée à l'article 346, soit par le tribunal compétent. Aussi, pour le juge, « ces dispositions conditionnent l'octroi du sursis de paiement à la présentation de garanties destinées à assurer le recouvrement de la créance contestée » et avec l’invalidation des deux cautionnements de groupe, les sursis de paiement octroyés à l’opérateur sont immédiatement dépourvus de garantie et la société « exposée au risque d'exigibilité de la créance avant décision définitive sur la contestation de la créance ». Par conséquent, le courrier portait décision susceptible d'avoir des conséquences défavorables pour l’opérateur, soumise donc au droit d’être entendu du § 6 de l'article 22 précité. L’échange contradictoire préalable faisant défaut (puisque l’opérateur n'a pas été mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant aux éléments sur lesquels l'Administration a invalidé les garanties financières), la décision est déclarée nulle.
 
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy guide des procédures douanières, n° 1005-30. La décision ici présentée est intégrée à ce numéro dans la version en ligne de cet ouvrage sur Lamyline dans les 48 heures à compter de la publication de cette actualité.
 
Source : Actualités du droit