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Détenteur de marchandise de fraude : quelle bonne foi du chauffeur salarié ?

Transport - Douane
19/03/2020
Quelles sont les diligences pour s'assurer de la nature des marchandises transportées dont le chauffeur doit rapporter la preuve afin de prouver sa bonne foi et d’échapper à la réputation de responsabilité de l’article 392 du Code des douanes ?
« Le détenteur de marchandises de fraude est réputé responsable de la fraude », selon le point 1 de l’article 392 du Code des douanes. Toutefois, il peut combattre cette réputation (ou présomption simple) en rapportant la preuve de sa bonne foi. Ainsi, à propos d’un chauffeur dans le camion duquel 1 248 paires de chaussures contrefaisant une marque célèbre ont été trouvées, une cour d’appel estime que sa bonne foi est démontrée et le relaxe du délit de détention de marchandises contrefaisantes sans documents justificatifs réguliers. D’un avis contraire, la Douane forme un pourvoi contre cette décision et la Cour de cassation qui la suit censure les juges du fond : ils n’ont pas rapporté la preuve des diligences effectuées par ce chauffeur pour s'assurer de la nature des marchandises transportées.
 
Des diligences actives à prouver par le chauffeur
 
Selon la cour d’appel, d’une part, le chauffeur disposait des lettres de voiture et des pièces administratives nécessaires, mais « s'est borné » à effectuer le transport et les sept cargaisons du camion, conformes aux documents administratifs, étant sanglées et/ou filmées, il ne lui était matériellement pas possible de vérifier la nature de la marchandise transportée. D’autre part, toujours selon cette cour d’appel, il ne pouvait « que » vérifier le nombre de cartons et leur conformité par rapport aux lettres de voiture et, même si la lettre de voiture afférente à la cargaison litigieuse était différente des autres, en ce qu'elle n'était pas à l'entête de la société Rokita et n'était pas revêtue de la signature du salarié qui a collecté la marchandise en Pologne, ceci n'était pas un motif suffisant pour permettre à ce chauffeur d'ouvrir les cartons et de contrôler la marchandise, dont au surplus le caractère contrefaisant aurait légitimement pu lui échapper.
 
Pour la Cour de cassation, la cour d’appel n’a justifié que le prévenu a établi sa bonne foi en rapportant la preuve de ses diligences pour s'assurer de la nature des marchandises transportées. Il s’agit selon nous ici de prouver des diligences « actives ». Un des moyens au pourvoi de la Douane en donne un exemple : le chauffeur pouvait « notamment » vérifier, conformément à l’article 8 de la CMR (Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route conclue à Genève le 19 mai 1956), que le nombre de cartons correspondait bien à la quantité indiquée sur la lettre de voiture correspondante. Mais, surtout, la Douane souligne et reproche ici l’inertie ou la passivité du chauffeur qui n’a pas assisté au chargement des marchandises dans son camion, qui n’a pas alors vérifié la nature des marchandises chargées, qui n’a pas compté le nombre de palettes et n’a pas vérifié s’il correspondait au nombre inscrit sur la lettre de voiture correspondante, qui n’a ni rempli, ni signé cette lettre de voiture, qui ne s’est aucunement interrogé sur le fait que celle-ci n’était pas non plus signée par le salarié qui avait collecté les marchandises en Pologne et qui s’est contenté d’un simple contrôle visuel depuis l’extérieur avant le départ : il en résulte selon l’Administration que ce chauffeur « n’avait pris aucune mesure utile permettant de vérifier qu’il ne transportait pas des marchandises en méconnaissance de la réglementation douanière ».
 
Supplément d'information
 
Pour la cour d’appel, ce chauffeur « qui soutient ne pas avoir été au fait de ce qu'il transportait de la marchandise contrefaisante, n'est qu'un simple salarié du transporteur, la société Rokita, dont aucun responsable n'a été entendu ». Mais pour la Cour de cassation, qui suit là encore l’Administration, à défaut de procéder à un supplément d'information consistant en l’audition de cet employeur dont elle reconnaissait elle-même la nécessité, la cour d’appel n’a pas respecté l’article 463 du code de procédure pénale qui impose ledit supplément d’information. Et la décision est donc aussi censurée pour ce motif.
 
Il faut désormais attendre la décision de cette même cour d’appel de Douai désignée comme cour de renvoi.
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy guide des procédures douanières, no 1015-46. La décision ci-dessus est intégrée à ce numéro dans la version en ligne de cet ouvrage sur Lamyline dans les 48 heures à compter de la publication de la présente actualité.
 
Source : Actualités du droit