<< Retour aux articles
Image

Fiscalité outre-mer : quel devenir pour l’octroi de mer ?

Affaires - Fiscalité des entreprises
25/06/2020
L’octroi de mer, spécificité française, arrive à son échéance le 31 décembre 2020, obligation européenne oblige. Une réforme est nécessaire. Les débats vont bon train. Un récent rapport rappelle combien le sujet est sensible.
L’octroi de mer, créé en 1670 par Colbert, avait pour objet de financer la Martinique. Il s’est transformé au fil du temps en barrière douanière pour protéger l’économie des collectivités d’outre-mer face aux flux de produits importés. Sur demande de la France, l’octroi de mer qui s’applique aux régions ultrapériphériques que sont la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion, a été reconduit en 2014 jusqu’au 31 décembre 2020 (Déc. 89/688/CEE, 22 déc. 1989, relative au régime de l'octroi de mer dans les départements français d'outre-mer, JOUE 30 déc. 1989, n° L 399, p. 46, reconduite par déc. Conseil 2004/162/CE, 10 févr. 2004, JOUE 21 févr. 2004, n° L 52, p. 64, reconduite par déc. Conseil 940/2014/UE, 17 déc. 2014, art. 1er, JOUE 23 déc. 2014, n° L 367, p. 1). En raison de cette prochaine échéance, le ministère de l’Économie et des Finances a demandé à la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi) d’étudier la question.
 
Rappelons que deux octrois de mer coexistent :
  • l’octroi de mer dit « externe », qui  frappe les produits importés, quelle que soit leur provenance, afin de protéger la production locale ;
  • et l’octroi de mer régional dit « interne » pouvant être institué par les conseils régionaux (ou le conseil général à Mayotte), s’appliquant aux livraisons de biens faites à titre onéreux par des personnes qui exercent des activités de production. Cet impôt constitue la principale source de revenus des collectivités territoriales des DOM.
L’Union européenne a autorisé que le taux appliqué localement soit moins élevé que celui pratiqué à l’importation. Les taux sont fixés par délibérations des conseils régionaux. La douane est l’administration de perception, de contrôle et de recouvrement de l’octroi de mer.
 
Dans son rapport, la Ferdi lance un pavé dans la mare. Elle rappelle que l’octroi de mer est incompatible avec les engagements de la France dans le cadre de l’Union européenne. Il est, selon elle, complexe, peu transparent, instable et il pèse sur le coût de la vie. 

La Ferdi suggère d’explorer l’installation d’éléments de fiscalité indirecte interne, complétés au besoin par des subventions ciblées. La TVA, entre autres, lui apparaît comme un outil économiquement neutre pour mobiliser plus de ressources : les taux actuellement appliqués dans les DOM sont (beaucoup) plus bas qu’en métropole, voire nuls à Mayotte et en Guyane. Il existe là une marge d’action importante pour les décideurs publics. De plus, certains droits d’accises, notamment sur les tabacs pourraient être revus dans le même esprit. La Ferdi propose une suppression progressive de l’octroi de mer, à échelle de 5, 7 ou 10 ans, l’alignement des droits sur le tabac sur ceux de la métropole, l’augmentation des taux de TVA, taux restant spécifiques à chaque DOM, hormis pour la Guadeloupe et la Martinique où ils devront être identiques afin d’accompagner la réalisation du Marché unique antillais. Le taux réduit de la TVA resterait à 2,1% en Martinique, Guadeloupe et à la Réunion, à 0% en Guyane et à Mayotte. 

Ce rapport a suscité beaucoup de réactions. L’octroi de mer est défendu par les entrepreneurs, les élus locaux et les parlementaires, certains ayant récemment déclaré souhaiter « une réforme ambitieuse, équitable et raisonnée des dispositifs fiscaux et financiers applicables outre-mer permettant aux collectivités de sortir de l’ornière budgétaire sans augmenter la pression fiscale pesant sur nos compatriotes ». Les débats se feront désormais à la lumière de la crise liée à la pandémie de Covid-19.
Source : Actualités du droit