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Contrepartie d’un droit de distribution exclusive : confirmation de la notion de « condition de la vente » et intégration à la valeur en douane

Transport - Douane
24/11/2020
La notion de « condition de la vente » est confirmée par la CJUE dans une décision du 19 novembre 2020 qui intègre le paiement de la contrepartie d’un droit de distribution exclusive aux éléments déterminant la valeur transactionnelle des marchandises : pour constituer une telle condition, ce paiement doit avoir été exigé par le vendeur comme condition pour la distribution exclusive de ces marchandises sur le territoire concerné.
En 2012, un importateur en Allemagne et un exportateur à Cuba ont conclu un contrat, dénommé « Exclusive Distribution Agreement » (accord de distribution exclusive, ci-après EDA). Il prévoit que le premier a obtenu le droit exclusif, en qualité de seul et unique distributeur, d’importer, de vendre et de distribuer en Allemagne et en Autriche les cigares produits par le second et qu’en contrepartie de l’octroi de ce droit de distribution exclusive en Autriche, l’importateur verse à l’exportateur, pendant quatre ans, un montant annuel, qualifié de « compensation », s’élevant à 25 % du chiffre d’affaires annuel résultant des ventes de cigares dans cet État membre.
 
Lors des importations, l’opérateur allemand n’inclut pas dans la valeur en douane qu’il déclare la compensation due en vertu de l’EDA. La Douane allemande estime au contraire que le paiement de cette compensation constitue un élément distinct du prix d’achat des marchandises importées qui, en application de l’ex-article 29, paragraphe 3, sous a), du Code des douanes communautaire (le CDC alors applicable), doit être pris en considération pour la détermination de la valeur en douane de ces marchandises. Redressé, l’importateur conteste et la question de l’inclusion de cette compensation à la valeur en douane est posée à la CJUE sous l’angle notamment des redevances et droits de licences qui peuvent être ajoutés à la valeur en douane sous certaines conditions fixées par l’ex-article 32 du CDC et l’ex-article 157 du règlement d’application du Code des douanes communautaire (CDC, RA).
 
Droit de distribution exclusive : différent des redevances et droits de licence
 
La CJUE ne répond pas sur le fondement des articles ci-dessus mais reformule la question. En effet, indique cette cour, les notions de « redevances » et de « droits de licence », figurant aux ex-articles 32 et 157 précités, concernent uniquement des paiements effectués par un acheteur à un vendeur « au titre de l’usage de droits de propriété intellectuelle », alors que les paiements en cause (pour la compensation) sont effectués contractuellement, non pas en contrepartie de l’octroi de droits de propriété intellectuelle, mais d’un « droit de distribution exclusive ».
 
La Cour reformule donc la question sur un autre fondement : l’article 29, paragraphe 1 et paragraphe 3, sous a), du CDC doit-il être interprété en ce sens qu’un paiement, effectué pendant une période limitée, par l’acheteur de marchandises importées au vendeur de celles-ci, en contrepartie de l’octroi, par ce dernier, d’un droit de distribution exclusive de ces marchandises sur un territoire donné, et calculé sur le chiffre d’affaires réalisé sur ce territoire, doit être intégré à la valeur en douane desdites marchandises ?
 
Droit de distribution exclusive, « condition de la vente » pour la valeur transactionnelle
 
La CJUE note que le « prix effectivement payé ou à payer », au sens du paragraphe 1 de l’ex-article 29 du CDC, correspond, conformément au paragraphe 3, sous a), de cet article, au paiement total effectué ou à effectuer par l’acheteur au vendeur pour les marchandises importées et comprend tous les paiements effectués entre ceux-ci comme « condition de la vente » de ces marchandises. Aussi, un paiement effectué par l’acheteur au vendeur doit être inclus dans la valeur transactionnelle s’il fait partie de ces « conditions de la vente » au sens de paragraphe 3, sous a). Cette conclusion est « corroborée » selon la Cour – et même selon-nous explicitement affirmée – (a contrario) par l’ex-article 32, paragraphe 5, sous b), du CDC, qui prévoit, à l’inverse, s’agissant précisément des paiements effectués par l’acheteur en contrepartie du droit de distribuer (ou de revendre) des marchandises importées, qu’ils ne sont pas ajoutés au prix effectivement payé ou à payer s’ils ne sont pas une telle condition de la vente de ces marchandises.
 
Pour la CJUE, aucune disposition du CDC, ni du CDC, RA, ne définit la notion de « condition de la vente », de l’ex-article 29, paragraphe 3, sous a), mais selon sa jurisprudence, en vue de préserver la priorité de la méthode de la valeur transactionnelle, « les notions figurant à cet article 29 doivent être interprétées de manière large » (CJUE, 12 déc. 2013, n° C-116/12, Ioannis Christodoulou et a. c/ Elliniko Dimosio, point 45). De plus, elle a déjà retenu, s’agissant de cette notion figurant aussi à l’ex-article 32, paragraphe 1, sous c), du CDC, qu’un paiement constitue une telle « condition de la vente » des marchandises à évaluer lorsque, dans le cadre des relations contractuelles établies entre le vendeur, ou la personne qui est liée à celui-ci, et l’acheteur, « ce paiement revêt une importance telle pour le vendeur que, à défaut dudit paiement, ce dernier ne procéderait pas à la vente » (CJUE, 9 mars 2017, n° C 173/15, GE Healthcare GmbH c/ Hauptzollamt Düsseldorf, point 60). Or, cet ex-article 32 visant à préciser la valeur transactionnelle d’une marchandise importée, au sens de l’ex-article 29, il poursuit ainsi le même objectif que celui visé à cet ex-article 29, et il faut considérer que cette interprétation de la notion de « condition de la vente » s’applique également dans le contexte de ce cet ex-article 29.
 
Par conséquent, le paiement de la contrepartie du droit de distribution exclusive doit être considéré comme une « condition de la vente » des marchandises importées, au sens de l’ex-article 29, paragraphe 3, sous a), du CDC (et donc intégré à la valeur transactionnelle des marchandises) « lorsque ce paiement a été exigé par le vendeur comme condition pour la distribution exclusive de ces marchandises sur le territoire concerné ». Et c’est en l’espèce le cas selon les éléments de fait exposés par la juridiction de renvoi qui a interrogé la CJUE.
 
Et avec le CDU ?
 
La solution serait la même sous l’empire du Code des douanes de l’Union s’agissant des éléments fondant le raisonnement de la Cour : sur ceux-ci, l’article 70 du CDU reprend en substance l’ex-article 29 du CDC et l’article 72 du CDU l’ex-article 32, point 5, du CDC.
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy guide des procédures douanières, n° 370-2 et s. et dans Le Lamy transport, tome 2, n° 1359 et s. La décision ici présentée est intégrée aux numéros concernés, et notamment au n° 370-50 et au n° 1364, dans la version en ligne de ces ouvrages sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
 
Source : Actualités du droit